Resté longtemps sous-jacent, le problème de la numérisation des ouvrages et de ses limites a éclaté au grand jour avec le jugement interdisant à Google de poursuivre la numérisation d’ouvrages sans autorisation des auteurs et des éditeurs.
Au-delà du procès, la véritable question est celle de l’attitude des Français face à ce qui apparaît comme un « clash» entre droit et accès à la culture. On peut évidemment déplorer que le patrimoine national reste encore peu accessible, alors que la dématérialisation offerte par le numérique, le stockage illimité et la diffusion rapide des contenus sont une chance à saisir. En regard, cette révolution technique suscite mille convoitises chez les opérateurs privés, avides de profits.
La question est donc posée : la numérisation, le stockage et la diffusion de notre patrimoine national est-elle une affaire d’Etat ? Si oui, le contribuable devra mettre la main à la poche et l’Etat assumer la charge de travail pour que les entreprises privées ne puissent faire main basse sur cet acquis collectif.
Aujourd’hui, au plus haut niveau, on estime que c’est l’Etat qui devrait se charger de la numérisation et du stockage des œuvres dont il est le dépositaire pour les générations futures. Ceci suppose la mise en œuvre d’un vaste programme avec les « gardiens du temple » de la culture, comme la Bibliothèque nationale de France (BNF), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), l’Institut national de l’audiovisuel (INA), les grands musées nationaux, etc.
Mais alors, que deviendra la diffusion du patrimoine lorsque l’ensemble aura été versé dans des serveurs informatiques, aux confins des sous-sols de l’Etat ? Il faudra bien autoriser les moteurs de recherche à venir les y chercher pour les mettre à disposition de tous. L’Etat devra-t-il également se lancer dans la mise au point d’un « Google » nationalisé pour maîtriser la complétude de la chaîne de la valeur culturelle? Mission impossible!
Alors, soyons protecteurs mais pas protectionnistes ! Le patrimoine culturel est l’affaire de tous. Le rôle de l’Etat est, bien sûr, de le préserver, mais également de permettre sa mise à disposition et sa diffusion au plus grand nombre. Comment cela sera-t-il possible s’il s’isole totalement des entreprises privées qui maîtrisent les outils?
A nous d’imaginer les solutions pour garantir un équilibre stable au profit de tous. Dans ce domaine également, Etat et entreprises privées sont contraints de s’entendre. Pour concilier économie, culture et droit.
Jean Luc Girot